Dr Jens-Christian Moesgaard
Établissement d'origine
National Museum of Denmark (Royal Collection of Coins and Medals) - DK
Laboratoire d'accueil
Institut de Recherche sur les Archéomatériaux (IRAMAT-CEB) / CNRS, Université d’Orléans - FR
Hôte Scientifique
Dr Marc Bompaire
PROJET
Monnaies, coins, argent : relire les débuts de la période féodale
Nous vivons une période de tensions entre les structures politiques centrales et des forces centrifuges. Des mouvements de population entre continents marquent notre époque. Or, des phénomènes similaires se sont produits au cours de l’histoire. Aux IXe-Xe s., l’empire carolingien se désintégra sous la pression de luttes internes et des attaques externes de la part des Vikings. Comment cela s'est-il passé ? L’émiettement de l’empire carolingien fut-il une rupture chaotique, ou bien un processus progressif ? Les réponses nous fourniraient des parallèles historiques utiles. Mais nos connaissances sont lacunaires, car les documents écrits sont peu nombreux. En revanche, les monnaies furent fabriquées par millions, et des milliers subsistent aujourd’hui. Le monnayage nous informe sur l’organisation de l’Etat et ses ressources. Le projet « Monnaies, coins, argent : relire les débuts de la période féodale » examine la monnaie en Normandie après l’installation des Vikings. La méthode d’étude des coins qui ont frappé les monnaies et de la composition métallique permet de reconstituer la production de numéraire. La Normandie devint vite l’une des plus importantes principautés de la France. Le monnayage normand était organisé selon la tradition franque, signe que les Vikings devenus Normands se sont vite intégrés. Si l’on examine également les monnayages d’Ile-de-France et du Centre-Val-de-Loire, on constate que les nouvelles principautés, construites sur les ruines de l’empire carolingien, présentent, elles aussi, des monnayages bien organisés. Ce projet d’étude du poids, de l’aloi et de la typologie permettrait de savoir si la production était continuelle et réglementée et de quantifier les bénéfices tirés par le prince par la fabrication monétaire. L’ensemble de ces données, replacées dans une perspective historique plus large, permettra de mettre à l’épreuve les hypothèses contradictoires d’une société chaotique ou d’une société bien organisée dans la continuité, apte à intégrer des éléments venus de l’extérieur.
Publications
Un lot de 21 deniers ducaux normands du X e siècle a pu être étudié d après photographies, malheureusement de qualité inégale. 1 Il s agit de 20 exemplaires du type au nom de Saint-Ouen 2 et un exemplaire au nom de Louis IV d Outremer. 3 D après les renseignements disponibles, le lot serait, hélas, déjà dispersé. Il aurait été découvert dans un champ situé à une dizaine de kilomètres de Caen (Calvados) en direction de Courseulles-sur-Mer. Les communes d Amblie 4 et de Douvres-la- Délivrande (dans un jardin) ont été mentionnées, sans que cela a pu être confirmé. Il n a pas été possible d avoir davantage de précisions. Le monnayage au nom de Saint-Ouen est traditionnellement interprété comme ecclésiastique, mais il s agirait plutôt d une émission ducale ordinaire. La datation récemment proposée pour les deniers au nom de Saint-Ouen dans la deuxième moitié du règne de Guillaume Longue-Epée (927/933 42) se trouve confirmée par son association ici avec le denier rouennais du roi Louis IV (936 54).
Les résultats que nous présentons ici ont été obtenus dans le cadre d’un projet de recherche actuellement en cours, portant sur la monnaie ducale normande au Xe siècle. Ce projet a été rendu possible grâce à une bourse de recherche accordée par Le Studium, qui a pour mission de faire venir des chercheurs étrangers (in casu JCM) dans la Région Centre-Val de Loire pendant un an pour mener un projet de recherche en collaboration avec des chercheurs de la région (in casu Marc et GS de l’IRAMAT-CEB, CNRS/Université d’Orléans, UMR 5060). Prenant comme point de départ l’étude incontournable de Françoise Dumas portant sur les 8584 monnaies conservées du trésor de Fécamp, enfoui vers 980/9853 , notre projet aboutira à une monographie sur la monnaie normande du Xe siècle. Il nous a cependant semblé que l’aspect que nous présentons ici a une valeur exemplaire qui justifie sa publication en avant-première. Un de nos objectifs est l’étude de la composition élémentaire des pièces, spécialité de l’IRAMAT-CEB. Nous avons pour l’heure analysé 134 monnaies normandes par LA-ICP-MS (spectrométrie de masse couplée à un plasma inductif avec prélèvement par ablation laser), une méthode d’analyse quasi-non destructive qui permet de doser les constituants majeurs des alliages monétaires (dans ce cas l’argent et le cuivre) ainsi qu’un grand nombre d’éléments mineurs et traces.
Final reports
The transition in the 10th century from the centralised Carolingian state to the decentralised feudal principalities is a subject of debate among historians: was it a violent breakdown or a continuous evolution? The major problem facing historians is the scarcity of written sources. But coins are numerous and constitute a relevant source material. Indeed, Coinage is an official institution, and studying it informs us about the state of society and the organisation of the administration. The study of Norman coinage in the 10th century shows a large and well-managed production and a firm control of the circulation. Exchange fees provided income for the duke. This reflects a well-organised stable administration and an ability of controlling society, far from the chaotic, violent and anarchistic picture of early feudalism that is sometimes purported.